Ride

Traduction française : Monter à / chevaucher

« Vite, plus vite mon beau ». Aéla se tenait fermement aux rênes d’Hippolyte tout en l’encourageant en lui parlant à l’oreille.

Grimaçant de douleur, elle se retourna autant que la flèche qui lui perçait le flanc le lui permettait. Leur poursuivants se rapprochaient. Ils allaient bientôt pouvoir tirer à nouveau. Flèches ou magie cela n’aurait pas d’importance. Ils ne les raterait pas. Et ni elle ni Hippolyte n’en réchapperaient.

Elle tata à nouveau ses poches, espérant cette fois trouver quelques choses qui pourraient les sauver. Mais non rien. Son maître d’arme lui passerait un de ses savons. On se préparait toujours au pire, même quand on prévoyait de se rendre au festival de la tourte à la citrouille. Elle l’entendait déjà lui hurler dessus. Comment avait-elle pu partir rejoindre une chasse royale où on lui avait explicitement interdit d’aller et ne pas penser à prendre un minimum de ce qu’il appelait les ‘au cas où’ ?

Elle grimaça. Elle savait que bien plus que ses poursuivants, si elle n’en réchappait pas, cela serait son manque de prévoyance qui serait responsable de sa mort. Mais comment pouvait-elle imaginer qu’en se rendant à une toute simple chasse royale, elle serait la témoin de l’assassinat d’un des ducs les plus important du royaume ? Assassinat qui sans sa présence aurait sûrement était maquillé en simple accident de chasse. Et maintenant, elle était prise en chasse par les meurtriers. Qui si ils voulaient survivre à la semaine, devaient absolument la faire définitivement taire.

« Plus vite Hippolyte, tu peux le faire, plus vite ». Elle aurait tellement voulu faire plus que perdre son sang sur la robe dorée de sa monture et lui murmurer des paroles aussi inutile que cruches. Mais elle n’avait jamais réussi à maîtriser le lien d’esprit. Elle n’était qu’une cavalière normale. Elle n’avait jamais réussi à mêler ses pensées avec Hippolyte à ne devenir plus qu’une/un.

Les autres cavalier liés étaient persuadés, bien entendu, que c’est parce qu’elle était une femme. D’histoire de cavalier, on n’avait jamais vu de cavalière liée. Ce a quoi elle répondait qu’il n’y avait rien de bien étrange à cela, vu qu’on cantonnait les femmes à monter des chevaux. Si cela n’avait pas été le cas, bien entendu qu’il y aurait eu des cavalières liées. Mais malheureusement, elle semblait être la preuve vivante qu’une femme ne pouvait devenir liée..

Elle se sentit fermer les yeux, quasi défaillir. Lâchant les rênes de la main droite, elle tâtonna jusqu’à trouver sa blessure et elle appuya. Elle en hurla. Elle en pleura. Mais elle était de nouveau alerte. Pour quelques temps en tout cas.

Elle se retourna encore. Les meurtriers s’étaient encore rapprochés. Elle n’arriverait jamais à rester à distance jusqu’au château de son père. Et ils ne reculeraient devant rien pour s’occuper d’elle. Il n’y avait qu’une seule solution.

Passer par le chas de l’aiguille. Ce mince trou dans la montagne qui faisaient office de frontière du royaume de son père permettait si on arrivait à le traverser de faire l’économie du contournement de la montagne en question. Mais même pour un cavalier lié c’était plus que difficile. Il fallait forcer son griffon stopper son vol et à se poser à l’entrée du passage, sans pouvoir se stabiliser ou se ralentir à grand coup d’aile.

Il fallait ensuite que le griffon marche dans l’obscurité , tout le long du passage et ensuite, une fois le chas traversé, il fallait qu’il se jette dans le vide, sans pouvoir là encore battre des ailes pour décoller et qu’il reprenne son vol en pleine chute.

Au temps où son père était cavalier lié, passer le chas de l’aiguille était une espèce d’épreuve ultime que les plus casse-cou tentaient. Mais il y avait eu tellement d’accident, son propre oncle était mort en essayant de le franchir, totalement saoul il est vrai, que son père avait fini par interdire la pratique. Et des sortilèges espions se chargeaient de remonter à la garde du roi les images de ceux qui auraient pu vouloir tenter le passage.

Elle serra légèrement les jambes, faisant obliquer le vol d’Hippolyte vers sa nouvelle destination.

La poursuite continua, minute après minute. Ses poursuivants s’étaient rapprochés suffisamment pour lancer un sortilège de feu. Mais Hippo avait réussi à l’éviter en ne perdant que quelques plumes. Il avait puisait dans ses dernières forces pour regagner un peu d’avance et depuis la distance ne variait plus plus. Ses poursuivants avaient l’air de penser que son griffon tomberait bientôt de fatigue et qu’il suffisait d’attendre.

Le chas était en vue.

Ses poursuivants avaient l’air d’avoir compris ce qu’elle voulait tenter parce qu’ils haranguaient à nouveau leur monture pour espérer la rattraper. Ils savaient que si jamais elle arrivait à traverser, ils ne pourraient plus la rattraper.

Elle allait mourir.

Sa vie s’écoulait par son flanc. En pleine santé elle n’y serait déjà pas arriver. Passer le chas sans être liée. C’était de la folie. Mais à l’article de la mort.

Ils allaient se fracasser sur la montagne. Tout était fini, mais il fallait quand même essayer. Mourir en cavalière, en défiant le ciel.

Elle murmura quelques phrases à Hippolyte, lâcha les rênes, sera fort le coup de son compagnon et ferma les yeux.

«On peut le faire »

Et soudain, elle vit.

Elle vit comme elle n’avait jamais vu, jamais vécu.

A travers le cœur et les yeux de son griffon.

Liées.

Et le chas fut là.

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