Pressure

traduction : Pression

Il se réveille lentement, un diabolique mal au crâne lui vrillant les tempes. Ses pensées se brouillent tandis qu’il cligne plusieurs fois des yeux.

Il a tellement mal à la tête qu’il voie flou, comme s’il avait la tête enfoncée dans un bocal à poisson. Son cou est douloureux, comme bloqué. Il tente de se retourner pour soulager la douleur et s’aperçoit alors qu’il ne peut pas. Il est attaché.

La peur se charge de lui éclaircir les idées. Et il se rend compte que s’il voit trouble c’est parce qu’il a la tête prise dans ce qui ressemble autant à un bocal à poissons qu’à une grosse amphore en verre.

« Ha, vous voila enfin réveillé mon cher Grégoire » La voix provient de derrière lui. Grégoire tire à nouveau sur ces liens, mais il n’y a rien à faire, tout est solidement fixé. « J’aurais pu commencer le rituel pendant votre sommeil, mais je trouve que le résultat est bien meilleur quand le sujet est conscient du début à la fin »

La voix est étrange, légèrement chuintante.

Grégoire essaie de parler, de hurler, mais il a beau essayer, aucun son ne se fait entendre. C’est alors qu’il voit enfin ou plutôt malheureusement le propriétaire de la voix qu’il a entendue.

La silhouette est difforme, boiteuse. Il ne peut voir le visage caché derrière un masque de docteur la peste. Il ne qu'apercevoir quelques touches de cheveux raides et couleurs cendres qui parsèment un crâne à la peau verdâtre et fripée.

« Ne vous fatiguez pas mon cher, l’ustensile dans lequel se trouve votre tête a pour fonction, entre autre, de vous empêchez de crier » explique la silhouette. « Ce n’est pas que vous pourriez alerter quelqu’un, même en vous époumonant pendant des heures, mais j’ai les oreilles plutôt sensibles, les hurlements me donnent de terribles migraines. » continue en laissant échapper un petit rire l’homme caché derrière le masque.

« Vous devez sûrement vous demander ce que vous faites attacher sur ma table, mon cher Grégoire ? Figurez-vous que j’ai besoin de vous pour finaliser la demande qu’un client m’a faite » continue à monologuer l’homme fouillant les étagères recouvrant la totalité des murs de la pièce. « Ha le voila enfin » s’exclame le masque en extirpant ce qui ressemble à un soufflet à cheminée.

« L’autre utilité de la jarre qui contient votre tête, c’est qu’elle va retenir le gaz que voici et sans lequel rien ne fonctionnera. » « Voyez, je vais utiliser l’espace entre votre cou et le goulot pour envoyer le gaz » continue à expliquer l’étrange personnage tout en joignant le geste à la parole. « Mais j’en oublie mes manières, vous devez vous demander qui je suis ! Vous pouvez m’appeler Maître Cossus » ricane à nouveau l’homme se cachant sous le masque continuant dans le même temps à souffler du gaz dans la boule de verre.

« Maintenant que les préparatifs sont finis nous allons pouvoir passer au rituel mon cher Grégoire. Rien de vraiment très désagréable, vous allez voir. Un de mes clients a absolument besoin d’une tsantzas, une tête réduite si vous préférez, et m’a engagé pour que je lui en confectionne une.

Et c’est là que vous entrez en scène, messire. Parce que pour confectionner une tête réduire, il faut commencer par avoir une tête normale.

Après tout, je n’allais pas livrer ma propre tête » s’esclaffe l’homme qui se fait appeler Cossus.

« J’ai été kidnappé par un fou qui va m’empoisonner avant de me décapiter » pensait Grégoire qui essayait toujours de se dégager en tirant de toute la force de ses muscles sur les liens qui le retenaient.

Mais rien n’y faisait, et il se sentait en même temps si faible….

« Vous verrez vous n’allez rien sentir, cela va piquer un peu et le moment où la tête se détache du cou est toujours un peu désagréable, mais ce n’est qu’une étape à passer, vous verrez. Bon commençons »

Cossus ouvrit le gros grimoire posé sur le pupitre, trouva la bonne page et commença à psalmodier encore et encore.

Au début, Grégoire ne se rendit compte de rien. Et puis, petit à petit un petit inconfort commença à se faire sentir sur ses tempes, son crâne, ses joues.

Comme si quelqu’un tenait sa tête entre ses mains et serrait encore et encore.

La douleur s’amplifie. Ce qui n’était qu’un simple inconfort il y a quelques instants l’empêche maintenant de réfléchir . La pression augmente encore autour de sa tête. Il aimerait tellement hurler tandis qu’il sent ses os se casser, se raccourcir.

Sa vision diminue, devenant encore plus vague, plus floue comme si ses yeux s’éloignaient de la paroi de la boule où il est enfermé.

Son supplice semble durer pendant des heures, des heures de torture, la pression ne cessant de broyer sa tête, seconde après seconde, minute après minute.

Et puis soudain, accompagné d’un horrible bruit humide, sa tête se détache et roule au fond du vase en verre.

Grégoire ne comprend plus rien. Il vit encore. Et pourtant il n’est plus qu’une tête au fond d’un vase. Il voit bien le bout de son cou, racorni, fripé, comme un bout de viande oublié.

Cossus referme le grimoire et soulève la jarre de verre.

« Une vraie réussite, comme toujours.» décrète-t-il. Mais tu sembles étonné d’être encore en vie Grégoire? Il faut évidement que la tête soit en vie pour pouvoir stocker la magie, voyons mon cher. Pourquoi penses-tu que l’on s’embête à coudre les lèvres des tsantzas ? C’est pour ne pas avoir à les entendre parler bien entendu. Il parait que vous avez un peu trop pour habitude de hurler des horreurs et qu'au bout de quelques centaines d'années de vies, vous avez tendance à toutes devenir folles...

D’ailleurs où ai-je donc laissé mes aiguilles et mon fil ? »

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