Bouquet

traduction: Bouquet

Je repris mes esprits, tiré de mon sommeil par un cliquetis d’ongles sur le plateau d’une table en métal. J’ouvris les yeux, la bouche pateuse, les neurones embrumés.

Et puis, d’un coup, la réalité me revint. Ce n’était donc malheureusement pas un cauchemar.

Je clignais des yeux, la même table en fer qu’il y a quelques heures, les mêmes murs de planches contre lesquels étaient accrochés de vieux balais miteux et …. le même duo ayant l’air d’être sorti tout droit de films pour enfants.

Deux femmes, déguisées en sorcières.

L’une, celle qui faisait claquer ses ongles sur la table, ressemblant à toutes les vilaines sorcières des contes. Le grand chapeaux pointu, les tignasses de cheveux graisseux, le nez crochu sur lequel trônait une énorme verrue verdâtre et pour couronner le tout, les poils grisâtres sortant d’oreilles aussi grandes que des feuilles de chou.

Sa comparse n’aurait pu être plus différente. On aurait dit une Marraine la Fée avec son sourire attendrissant, son doux regard, ses magnifiques cheveux et l’aura de gentillesse qui brillait tout autour d’elle.

« Alors notre damoiseau est de retour parmi nous » grinça celle que j’avais surnommé « la méchante ».

« T’es dans de sale gras mon cochon, accusé de complicité de pratique illégale de la magie... ça va chercher loin mon mignon... tu pourrais même être simplement … tu sais … Pouf » En prononçant son dernier mot, la sorcière mima avec ses mains, pouf … en ricanant.

« Ce que ma collègue veut dire, cher jeune homme, c’est que vous êtes accusé de quelques choses de très grave, si vous ne nous convainquez pas de votre bonne foi, vous serez reconnu coupable. Et la justice ne plaisante pas avec l’usage illégal de la magie, alors s’il vous plait recommençons. Redites-nous une nouvelle fois vos nom et prénom, votre âge et votre activité principale. Puis réexpliquez-nous comment vous êtes entré en possession de sorts magiques illégaux, s’il vous plait » Sa voix étaient comme une carresse parfumée sur mon esprit. Tout le contraire de la méchante. Je l’avais surnommé « la marraine ».

Sans que je m’en rende compte, je m’étais mis à pleurer, je n’avais qu’une envie, qu’elles me libèrent et que ce cauchemar se termine. Alors je recommençai à raconter mon histoire, pour la je ne savais plus combien de fois, depuis je ne savais plus combien d’heures.

« Je m’appelle Sylvain, Sylvain Tasprinet. J’ai vingt-trois ans et je suis étudiant en doctorat de physique-chimie. J’ai toujours eu de bons résultats mais cette année, l’un de mes professeurs ne m’aimait pas. Mes notes ont commencé à dégringoler et il était quasi-certain que je ne validerai pas mon année, ce que je ne pouvais pas me permettre parce que cela aurait eu comme conséquence que je perde ma bourse scolaire. Et sans ma bourse je n’aurai plus eu les moyens de payer mes études » Je marquai une pause, regardai mes tortionnaires ..

« Alors, tu attends quoi ? Que l’on t’amène un café ? Continue à raconter, que diable » me rabroua la méchante.

« Je ne savais plus quoi faire, j’ai cherché partout sur internet, pour trouver une solution et un jour, j’ai reçu un message me disant qu’il y avait une solution, que Carole pouvait m’aider et que la seule chose que j’aurais à faire ensuite c’était de parler de Carole à d’autres. » Comme à chaque fois que j’arrivais à cette partie de mon récit, je sentis les deux femmes se raidir, à l’affût de chacun de mes mots.

« Le message se terminait par une adresse. Où je devais me rendre à un jour et une heure précise. »

« Nous n’avons pourtant retrouvé aucun message sur votre ordinateur monsieur Tasprinet » soupira la marraine, visiblement encore plus triste pour moi que je ne l’étais. « Mais continuez donc votre récit » ajouta-t-elle comme on encourage un enfant.

« Je me rendis donc à l’adresse indiquée, à l’heure indiquée. Et je tombais face à une fleuristerie. Je me souviens parfaitement de la devanture. Elle était complètement verte. En grandes lettres rondes et dorées il y avait écrit « Chez Carole, un bouquet pour chaque occasion, une occasion pour chaque bouquet ». Et il y avait des petites fées roses dessinées un peu partout. J’ai failli rebrousser chemin et rentrer chez moi ».

« Mais tu ne l’as pas fait, bien entendu, enfin si tout cela est vrai » railla la méchante.

« Non, je ne l’ai pas fait. Je suis rentré, j’ai demandé si il y avait quelqu’un et j’ai rencontré Carole ».

« Décris-la nous ! ». La marraine avait presque oublié qu’elle devait être gentille. Pendant un instant sa voix était devenue aussi tranchante qu’un rasoir.

« Je ... Elle... Elle était ... Je ... je ne sais plus... Je ne sais plus » J’avais beau fouiller ma mémoire, je ne savais vraiment plus.

« C’est vraiment dommage ... Cela donne vraiment l’impression que vous protégez une complice ... mais peut-être que vous dites la vérité... Continuez votre histoire s’il vous plaît »

« Je lui ai tout raconté, je lui ai tout confié. Comment ce professeur allait ruiner ma vie, pour rien, comme cela sans raison. Et elle a dit qu’elle allait pouvoir m’aider. Que personne n’avait le droit de briser ma vie. Qu’elle allait simplement prendre une mèche de mes cheveux et une goutte de mon sang et que je n’aurais qu’à revenir six jours après pour que tout s’arrange ». Je me rappelais bien de notre conversation, du son de la voix de Carole ... mais il m’était toujours impossible de me rappeler son visage, je ne comprenais pas, vraiment pas.

« Elle a coupé une mèche de mes cheveux, pris trois gouttes de mon sang et je suis parti. J’ai failli ne pas y retourner, mais j’avais trop peur pour mon futur. Et quand j’y suis retourné, elle avait préparé sept petits bouquets de fleurs séchées. Elle m’a dit d’en déposer un, chaque lundi matin, sur le bureau de mon professeur, sans que personne ne me voie. Et cette consigne était très importante. Si j’étais vu, rien ne fonctionnerait. Si par contre je déposais chaque bouquet, chaque lundi, pendant sept semaines, alors je deviendrais l’élève préféré de mon professeur et mes notes seraient tout simplement les meilleures à chaque fois » Je m’arrêtai pour reprendre mon souffle, avaler ma salive, je n'avais pas pu boire depuis que j'étais dans cette petite salle lugubre…

« Et le plus fou, c’est que c’est exactement ce qui arriva. Je déposais les septs bouquets, un chaque lundi et à partir de la huitième semaine, j’eus à chaque fois les meilleures notes de ma classe, puis de toute la faculté avec ce professeur. »

« Vous n’aviez pas honte de tricher ainsi ? De frauder grâce à la magie ? » me cracha au visage la méchante. « Et votre Carole, là, alors, elle n’a pas voulu que vous la payez pour ses services ? » continua-t-elle.

« C’est cela le plus bizarre. Quand j’ai voulu retourner la voir, pour la remercier, son magasin avait disparu. Il y avait un coiffeur à la place. Et quand j’ai demandé quand le magasin de fleurs avait déménagé, on m’a indiqué qu’il n’y avait jamais eu un tel magasin à cette adresse. Que rien n’avait bougé depuis plus de quinze ans »

« Et puis on a fini par te chopper et maintenant tu es là, à nous mentir pour éviter … Pouf » conlu la méchante en ricanant.

« Allez, on reprend, sale escroc. Redis-nous, ton nom, ton prénom et raconte-nous ton histoire ! » grinca-t-elle


Parce que parfois, j'aime bien faire des liens entre mes histoires, celle-ci se passe dans le même univers que Souffre Douleur Une histoire que j'ai écrit il y a .... vraiment très très longtemps.

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