11 Wander

traduction: errer

Recrachez, expulsez, je tombe à genoux. Se relever, regarder autour de moi. Une cuisine. Du orange, du vert, du formica. C’est bien ma veine, les années soixante. Je m’époussette, soupire, toujours cet habit de majordome.

La scène autour de moi est comme figée, petit déjeuner d’une famille normale. Je suis un intrus ici, je regarde à travers la fenêtre, le gibet noir est là, au loin. Je n’ai pas beaucoup de temps, qui ici peut m’aider, les parents où la petite fille qui trempait ses couettes dans son bol de lait ?

La petite fille, peut-être. Je renverse le paquet de lucky charm sur la table. Ecrit rapidement un message. Peut-être qu’elle s’en souviendra, peut-être. L’air m’oppresse, on ne veut pas de moi ici. Un coup d’œil à nouveau. Le gibet se rapproche, je n’ai presque plus de temps. Je redresse machinalement mon chapeau, ouvre la porte la plus proche et franchit le seuil.

Une forêt violette, des loups qui hurlent. Toujours cet habit de majordome. Je prends mon chapeau sous le bras et commence à courir.

Un bal, un palais, Versailles peut-être. Des squelettes qui dansent, un bal de squelettes. Le gibet sur la colline au loin. J’écris mon appel à l’aide, lettres de crème pâtissière sur les miroirs de la salle de bal. Je parcours les pièces, ouvre les portes, hurle, celui ou celle qui rêve ce bal est introuvable.

Fais-je tout cela pour rien ? Pourquoi ne pas renoncer, attendre l’arrivée de gibet, faire cesser cette fuite sans fin ?

Le gibet est proche, je le sens, la substance du rêve m’oppresse, m’écrase, veut se débarrasser de moi.

Je cours, me jette dans un miroir.

Une plage, le ciel est d’un rouge d’enfer. Vide. Des corps flottent sur l’eau, des … des choses sortent du sable, tentacules, pinces, dents, puanteur. Mais qui peut rêver cela. Je cours, cherche une sortie, un passage. Une créature monstrueuse, immense se libère du sable devant moi. Foret de crocs, bave qui coule. On ne peut mourir dans un rêve, on ne peut mourir dans un rêve, on ne peut mourir dans un rêve… Je me jette dans sa gueule en répétant mon mantra.

Un jardin d’été, une cabane dans les arbres, le soleil qui réchauffe mon corps, mon cœur. Des cris d’enfants, des cris de joie. Enfin un rêve dans lequel je peux souffler. Enfin un rêve doux.

Je grave mon appel dans le tronc de l’arbre géant du jardin. Je l’écris en lettre de pierres blanche. Et puis la présence du gibet. Encore.

Encore fuir. Encore errer, passant de rêve en rêve en laissant mes appels à l’aide avec l’espoir que peut-être, peut-être quelqu’un se réveillera en se souvenant de mon message et viendra me libérer.

En attendant j’erre, habillé en majordome, poursuivi par le gibet.

J’erre dans vos rêves …

Dernière mise à jour