Trip

traduction: voyage, trip

On disait de moi que j’aimais les expériences, que j’aimais me faire mon avis, tester des choses différentes, inhabituelles.

Enfin c’est ce qu’on disait de moi lorsque je pouvais entendre. Lorsque je n’étais pas présent, je savais bien qu’on me traitait de drogué, d’épave, en pariant sur combien d’années il me restait à vivre avant que je m’injecte la dose de trop, le mauvais dosage et que je parte pour le dernier des voyages.

Mais malheureusement pour eux, je n’avais pas envie de mourir. Je n’avais simplement pas envie de vivre dans ce monde triste, cette réalité à bout de souffle, alors je partais, à coup de produits chimiques, de plantes ou de champignons.

Tout était bon pour oublier, oublier la réalité, pour fuir, vivre dans un kaléidoscope de défonce.

Mon appétit pour les nouveautés et mes finances à priori sans limite, merci grand-père pour ça, étaient bien connus de toutes celles et ceux qui fournissaient ce type de services récréatifs. Je ne manquais ainsi jamais de nouveauté à tester. De voyage à faire vers de nouvelle contrées phantamasgoriques.

Je ne sais plus qui m’en parla en premier. La pousse-conscience. Je n’avais aucune idée de ce que c’était. De comment se la procurer. Mais à partir du moment où j’en eu entendu parler, le nom revenait, comme la plus pure des drogues, la drogue qui eclipsait toutes les autres, la dernières des substances.

J’aurais bien aimé l’oublier, parce que savoir que quelque part, une telle merveille existait et que je ne pouvais la tester, cela ruinait invariablement les soirées où j’y pensais. Et pour oublier qu’elle existait, je m’enfonçais toujours plus profond, testant toujours des choses plus désespérées.

Jusqu’au jour, jusqu’au jour où je reçu une enveloppe craft chez moi. À l’intérieur, une gelule blanche, tout simple, anodine, dans un sac congélation. Et un message manuscrit. « C’est une dose de pousse-conscience. Comme le dit son nom, cela va pousser ta conscience dans le corps d’autres gens, un peu partout sur Terre. Si tu en veux d’autres, c’est un demi-million par dose. Amuse-toi bien ! »

Je résistai à la tentation de la prendre tout de suite. J’attendis quelques heures, laissant la dose posée sur la table de mon salon, bien visible, savourant par avance l’idée de la prendre.

La nuit finit par tomber. Je m’allongeai confortablement dans mon canapé et j’avalai la petite pillule blanche.

Et j’attendis…

« Un wagon de grand huit, je crie, je suis une femme, je hurle, mon aimé est à coté de moi, ça tangue, ça roule, la vitesse est folle, je ris, je hurle » « Un dojo de... je ne sais pas quoi. Je suis sur le tatami. Un poing m’arrive droit sur le visage. Le nez qui craque, le sang qui coule sur mon visage, je ris, j’ai mal » « À la barre d’un bateau, la nuit, les vagues sont énormes, tout tangue, tout vibre, je fais tourner la barre à toute vitesse, comme dans les films, tout chavire, tout se déchire, les hurlements, je m’étouffe de rire » « Une assiette de tripes pour la trois, un tablier de sapeur pour la quatre. Un restaurant, je suis à genoux, une bague à la main regardant mon fiancé dans les yeux... Il va dire... »

Je me redresse en sursaut dans mon canapé. De l’air, de l’air...

Je …

Il m’en faut plus …

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