15 Dagger

traduction: dague

L’âme-forge de mestre Ilguedone était l’âme-forge la plus réputée de six royaumes. Seules les plus grandes familles, les plus fortunées pouvaient se permettre de venir y invoquer une arme-âme. Et parmi les mestres forgeurs, Elnara l’ancienne était la plus demandée et la plus talentueuse. On disait même que ses lames seraient bientôt capables de briser celle du premier des Ilguedone.

Lorsque la délégation du clan Frousth se présenta à l’âme-forge se fut donc elle qui les accueillit. Le clan Frousth était l’un des clans les plus riches et le plus ancien du second royaume. C’était aussi le clan qui défendait à lui seul la frontière septentrionale du royaume. Depuis des siècles les guerriers du clan repoussait toutes les attaques, que cela soit celles des autres royaumes, celles des loups-garous des montagnes ou des trolls des neiges.

Le peuple du second royaume leur vouait un véritable culte et il n’avait pas un seul enfant du plus pauvre au plus riche qui ne soit capable de citer le nom des généraux Frousth et de leurs immenses armes. Les Frousth n’était pas seulement des forces de la nature, capable d’exploits physique hors du commun, ils se battaient tous avec des armes de tailles hors normes. Lances, Hallebarde, Marteau de guerre à deux mains, Labrys, Zweihänder plus grandes que la plupart des hommes étaient les armes de prédilection du clan. Quant aux frères jumeaux régnant sur le clan, Alwin se battait avec un immense Ôdachi forgé par un mestre forgeurs du cinquième royaume, tout à l’est du monde. Et son frère, Huceton, celui que l’on surnommait le diable se battait avec une grande faux de guerre noircie.

C’était justement Huceton qui se présentait ce jour à l’âme-forge de mestre Ilguedone. Il n’était pas venu seul mais accompagné de son benjamin qui venait tout juste d’atteindre l’âge lui permettant de recevoir une âme-lame.

Ils attendaient donc dans l’un des salons de la forge, le gigantesque chef de clan faisant les cents pas, emplissant la pièce de sa présence, de son impatience, de sa colère quasi permanente tandis que son jeune fils restait immobile, le dos contre une des colonnes du lieu, semblant presque attirer les ombres et y disparaître.

« Tu ferras ce que l’on te dit fils. Tu es en âge de prendre le commandement d’un bataillon et de remporter tes premières batailles » « Cela ne m’intéresse pas père, je ne suis pas comme vous, mes frères ou mes oncles, tout cela m’indiffère. Quel intérêt à se battre encore et encore, contre les mêmes armées, chaque saison, sans fin » « L’intérêt mon fils, c’est de protéger notre pays. Sans les Frousth, cela fait bien longtemps que le second royaume ne serait plus, conquis par nos voisins. Nous sommes le rempart qui permet à la populace de dormir tranquille la nuit » « Je pense que vous vous trompez père, vous ne faites que reproduire une situation que vous aimez. Il doit y avoir des moyens plus efficaces de protéger le royaume » « Il suffit Tugdual, j’en ai assez de tes sornettes. Une fois que tu auras ta lame, tu iras à la guerre, ainsi l’ai-je décidé »

Alors que le jeune homme allait répliquer, Mestre Elnara entra dans la pièce. La querelle entre les deux hommes cessa immédiatement et Tugdual ravala la répartie acerbe qu’il allait lancer.

« Messieurs, il ne peut y avoir de discorde au sein de l’âme-forge. Général Huceton, le futur possesseur de l’arme doit être totalement concentré sur le processus de forge et ne doit pas avoir l’esprit encombré par les querelles ».

Le gigantesque guerrier, lui dont l’ombre seule faisait trembler des armées entières inclina lentement la tête : « Je suis désolé Mestre, cela ne se reproduira plus »

« Très bien général. Comme vous le savez, la recherche de la forme d’une âme-lame prends du temps. Revenez dans une décade pour la révélation de la forme de l’arme. » « Une décade ? Autant ? » « Oui générale, une décade, j’aime être sure des armes que je forge et j’ai besoin de ce temps pour l’être » « Très bien mestre » « Fils, rends fier ton clan et suis les ordres de la Mestre comme si c’était les miens »

La salle de la révélation. La pièce la plus centrale de l’âme-forge, la plus protégée. Mestre Elnara, le général Huceton et le jeune Tugdual s’y trouve.

« Tugdual je vous le redis encore une fois, aujourd’hui seul la forme-âme de votre âme va nous apparaître. Il faudra ensuite que nous la forgions réellement. Toutefois c’est maintenant que tout va se décider pour vous. Une fois que la forme arme sera apparu, cela deviendra votre âme-arme. Toutes les prochaines âme-arme que vous pourriez vous faire forger ne serais que des variations physiques de cette unique forme-arme qui vous représente. C’est bien compris ? » « Oui mestre » « Très bien, général reculez-vous un peu et restez silencieux. Tugdual, fermez les yeux et répétez après moi l’incantation que nous avons apprise »

Le général se recula et le rituel commença. La mestre et le jeune homme récitèrent encore et encore la même incantation et soudain l’arme apparu, flottant en l’air entre eux.

Une sublime paire de dague aux lames sinueuses, l’une légèrement plus grande que l’autre. Elles brillent dans la légère pénombre de la pièce, irradiant le danger et la mort. Puis elles disparaissent, attendant d’être forgée.

« Une sublim.. » commence la Mestre « Qu’est ce que ce cela ? » hurla le général « Ce ne sont pas des armes d’un Frousth, ce ne sont pas des armes dignes, des armes d’un soldat, ce sont des armes de lâches. » « Voyons calmez-vous général » tempère la Mestre. « Taisez-vous, vous avez maudit mon fils, en l’affublant de ces armes sans honneur. Vous l’avez maudit » Reprenant son souffle, Huceton regarde son fil d’un air dur, froid. « Tu n’es plus mon fils, tu n’es plus un Frousth, tu ne peux être un des nôtres en portant ces lames honteuses, ces âmes d’assassin … Ne reviens plus jamais sur les terres Frousth où nous te tuerons » Et sans plus un regard ou un mot, le terrible guerrier s’en fut.