Nest

traduction : Nid

Nest

Nid

Le grand navire brun fendait les flots, le pavillon noir claquant dans le vent. L’équipage s’activait, cavalait de la poupe à la proue, de la proue à la poupe pour gagner encore un peu de vitesse. La capitaine, bien campée sur ses deux pattes, dont une de bois, scrutait l’horizon, espérant apercevoir la flotte qu’elle chassait.

« Capitaine, l’équipage doit se reposer et la coque ne tiendra pas, il faut ralentir » La capitaine quitta l’horizon des yeux pour étriller son second d’un regard aussi noir que le fond de la fosse des caïmans. Celui qui osait ainsi remettre en question les ordres de sa capitaine était son quartier-maître connu sous le sobriquet de Castagnette. La capitaine ne daigna pas répondre et repris son observation de l’horizon, ses moustaches vibrant de colère, de besoin de violence. « Bien capitaine, mais je vous aurais prévenu, c’est une fol... » « Nous les rattraperons Castagnette, Nous les rattraperons et nous les enverrons tous par le fond. Le carnage de Noistuga ne sera pas impuni, mais il nous faut plus de vitesse, jetez par de dessus bord ce qui n’est pas nécessaire » « Capitaine, l’équipage ne va pas apprécier » « Qu’ils obéissent, cela sera bien suffisant.»

Les nuits succèdent aux jours, sans repos, sans moment de calme. La capitaine n’avait pas quitté son poste sur la dunette, tendue, à la recherche de sa proie.

« Timonière, moins d’à-coups, tu nous fais perdre de la vitesse, tu veux que finir aux fers et me forcer à venir tenir la barre moi-même ? » cria la capitaine alors que le navire tanguait, giflé par la houle.

« Capitaine, l’équipage gronde, nous avons jeté la majorité de notre butin par-dessus bord pour espérer rattraper les plumés, mais nous ne sommes pas sur que nous voguons dans la bonne direction » « Nous les rattrapons Castagnette, nous les rattrapons, je le sens » « Capitaine, j’entends murmurer les mots de vote de destitution, l’équipage a peur que vous ayez perdu l’esprit » « La planche pour ceux qui oseront proposer cela, nous somme en chasse » « Vous n’êtes pas sérieuse Capitaine, enfin, c’est votre équipage... » « Alors qu’il me suive »

La nuit est sombre et lourde, comme l’humeur des marins. Les étoiles et la lune sont cachées par de gros nuages, seul les quelques lampes à huile accrochées aux mats éclairent les ponts du navire. La Capitaine est toujours sur sa dunette. L’équipage s’active, fatigué, même au cœur de la nuit. Les fourrures sont sales, ternes, les privations et le manque de sommeil se font sentir.

La capitaine elle-même tremble mais reste bien droite sur sa dunette.

« Quartier Maître ! » « Oui Capitaine ? » « Informe l’équipage que si nous ne voyons pas de signe de notre proie d’ici deux jours, nous abandonnons et nous irons enterrer nos morts sur Noistuga» « Bien Capitaine, vous faites le bon choix. »

Le quartier-maître s’éloigne, allant informer les officiers du bâtiment tandis que sur la dunette, l’écume salée de la houle se mêle aux larmes de la Capitaine.

Deux matelots sur le pont, briquant le sol, enroulant les cordages. « Foi d’écureuil, la Capitaine a perdu l’esprit.. comment pouvait-on espérer rattraper les plumés... » « Tais-toi donc Quenotte, tu veux que Deux-queue nous envoie sur la planche ? Elle en serait bien capable. »

Soudain un cri descend de la vigie : « Navires droit devant, Navire droit devant »

Tout l’équipage se précipite sur le gaillard avant. Et oui, c’est bien la flotte qu’ils chassent depuis tant de jours.

Quatre bâtiments qui escortent un énorme galion, le fleuron de la flotte des cigognes, celui que tous surnomment le Nid. Ils naviguent tous à vitesse réduite, visiblement ralenti par les avaries reçues lors de leur attaque de Noistuga.

La capitaine toujours sur sa dunette, replie sa longue vue et cherche du regard son chef canonnier. « Chef Canonnier, aller préparer vos canons, nous allons couler cette flotte »

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