Vessel

Traduction : Vaisseau / réceptacle

Sombre est la plaine. De gros nuages bien trop épais pour être naturels cachent le soleil et plongent les lieux dans un clair obscur rougeâtre. La pluie tombe drue, transformant la terre en boue, en marais où les hommes glissent, chutent et parfois même se noient, le heaume enfoncé dans quelques centimètres d’un mélange d’eau, de sang et de boue.

Les armes sonnent, métal contre métal, les bouches hurlent, cris de guerre ou de souffrance, les magiciens psalmodient et invoquent des abominations qui se jettent dans la bataille mangeant tous ceux qui passent à la portée de leurs crocs démesurés, sans se soucier de savoir si la cervelle qu’ils avalent appartenait à un ennemi ou pas.

En l’air, les jeunes vouivres tournoient, guettant la faiblesse d’un blessé, le moment d’inattention qui leur permettra de fondre en piqué et d’arracher une gorge, des yeux ou de plonger leur gueule dans un ventre sans protection.

Et pourtant, petit à petit les hommes repoussent les assaillants vers la rivière, vers le rivage, vers les bateaux obscurs d’où la horde a débarqué.

Petit à petit, perdant cent hommes pour chaque mètre gagné, ils avancent.

Engoncés dans leurs armures, à moitié aveuglés par la pluie, la boue, le sang, ils continuent d’avancer.

Des bulles d’obscurité apparaissent sur la plaine. Des hurlements s’y déchaînent. Et pourtant les chevaliers gagnent toujours du terrain. Mètre après mètre ils avancent, ne distinguant leurs mains que grâce à la faible lumière de la lampe à pétrole qu’ils ont tous, soudée sur le haut de leurs casques.

La musique des tambours reprend peu à peu vie, poussant les hommes, grondant avec forces, luttant contre les éléments, recouvrant le bruit de la pluie, les grognements des monstres.

Au loin, remontant l’estuaire, une masse sombre remonte lentement le courant. Un bateau comme nul ne veut en voir. Un bateau vivant, dont la proue est un long cou finissant par la tête d’une vouivre affamée qui hume l’air cherchant son prochain repas.

« ELLE, ELLE est là … nous sommes perdus »

Certains des chevaliers tente de s’enfuir, tournant le dos à l’ennemi, tellement terrorisé par l’apparition qui remonte le fleuve qu’ils en oublient leur ennemi immédiat. D’autre tombent à genoux, lâchent leur armes et se mettent à prier, pour qu’un de leurs dieux les sauve.

Le monstrueux bateau s’approche, propulsé par plusieurs rangs de rames actionnées par des choses moitié cadavres d’anciens marins morts noyés, moitié excroissances du bateau lui-même.

Et pourtant, ce n’est pas le bateau qui rempli d’horreur les chevaliers, non c’est ELLE, la silhouette se tient sur une plateforme en haut du mât.

Son pouvoir tourbillonne autour d’ELLE, empêchant les combattants de la voir, mais tous sentent la pression de son aura sur leur âme, tous entendent les murmures de folie qu’ELLE murmure à leurs oreilles. Au loin, sur une colline surplombant la bataille, les tambours essaient de lutter contre la vague d’horreur en jouant plus fort, toujours plus fort. Mais les généraux ont déjà abandonné, ils galopent à bride abattue espérant sauver leur vie avant qu’ELLE ne déchaîne sa magie.

Dans sa main gauche, ELLE tient un Athamé dont la lame de rubis rougeoie légèrement. « J’ai été ton réceptacle depuis tant de siècles, tu t’es nourries de ma magie, maintenant donne-moi ton pouvoir et consume le monde » hurle la Sorcière sur la plateforme tout en s’ouvrant l’abdomen avec l’Athamée.

ELLE enfonce sa main droite, fouille en son sein et finit par en ressortir un gros cristal sanguinolent.

ELLE psalmodie, des mots que nul ne devrait entendre, que nul ne devrait comprendre.

Le cristal flotte lentement devant ELLE. Ses longs cheveux sont droits, tendus comme une couronne de lames sortant de son crâne.

Le sang ne coule de sa blessure vers le sol, il coule en l’air vers le cristal qui tourne de plus en plus vite, pulsant d’une légère lueur rosé.

Le son n’existe plus, le temps n’existe plus, tout se fige et ELLE continue à psalmodier.

Le pouvoir brut s’abat par vague sur le fleuve, sur les premiers rangs des combattants les rendant fou, les transformant en créature d’horreur.

Et puis le sort est fini.

ELLE ne prononce plus qu’une dernière phrase.

« Brûle le monde »

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