Flamme

traduction: flamme

Flamme

Comme chaque année depuis tellement longtemps que les grands-mères des grand-mères étaient de petites filles, c’était le soir de la fête de la renaissance.

L’intégralité de la tribu se réunissait au chaud dans la Grand Salle. Le feu central brûlait comme jamais il ne brûlait à part ce jour bien précis. On mangeait, on chantait, on riait, les nouvelles chansons étaient pour la première fois chantées, les poèmes gardés secrets étaient enfin déclamés. C’était le soir de la Renaissance, le soir où la tribu célébrait d’être encore en vie, malgré les épreuves et les difficultés.

Petit à petit la nuit s’assombrissait. Peu à peu les chants se faisaient moins forts, les danses plus lentes, les rires moins éclatants. Et un murmure commençait à se faire entendre, « l’histoire, l’histoire » ...

Il enflait lentement, roulant de voix en voix, tandis que les mains commençaient à taper en rythme « l’histoire, l’histoire ».

Et finalement il était temps.

La tribu se rassemblait autour du fauteuil du conte. Les plus petits, emmitouflés dans les plus douces des couvertures étaient installés devant, tremblant d’excitation ... et aussi d’un peu de peur.

Pour les plus jeunes, c’était la première fois que l’histoire leur serait racontée. Parce qu’on ne racontait l’histoire qu’au plus profond de la nuit de la Renaissance. Au moment exact où l’histoire, lorsqu’elle n’était pas encore une histoire mais une réalité s’était conclue.

« Tout commença il y a fort fort longtemps, tellement tellement longtemps que les grands-mères de vos grand-mères étaient de petites filles. » La voix montait du fauteuil du conte, lente, agréable, douce et la tribu se laissait captiver ...

« À l’époque, nous étions une bien plus petite tribu, mais la flamme veillait sur nous. Elle brûlait vive et colorée, à l’exact endroit même qu’aujourd’hui, au fond de la grotte sacrée du village. Elle brûlait et la tribu était heureuse ». « Mais pourtant un jour, la flamme ne fut plus. » Et alors que la voix lançait ses mots, presque brutalement, les mains parcheminées qui jusqu’àlors étaient posées sur les accoudoirs du fauteuil du conte claquèrent l’une contre l’autre et le feu du centre de la salle s’éteignit brusquement, plongeant la Grande Salle dans une épaisse pénombre.

« La flamme s’était éteinte et nul, même pas le conseil des sages n’en connaissaient la raison ni même ne savait comment faire pour rallumer la flamme. » La voix fit une pause, un regard attendri parcourant les plus petits, plus attentifs que jamais.

« Et c’était quelque chose de terrible, parce que, vous ne le savez peut-être pas, vous qui entendez cette histoire pour la première fois. Mais la flamme contient l’âme de la tribu, les âmes de tout celles et ceux qui ont vécu dans cette tribu ou qui vont y vivre »

« Mais sans flamme… les femmes enceintes ne pouvaient plus accoucher, la flamme n’étant pas là pour offrir une âme aux nouveaux nés »

« Et les morts ne pouvaient pas vraiment mourir, l’âme des défunts ne pouvant pas quitter le corps pour retourner à la flamme »

« Ce fut une période terrible »

« Les corps morts des défunts se décomposaient et pourrissaient, mais les yeux restaient intacts et l’on pouvait y voir l’âme bloquée s’y refléter et subir d’incompréhensibles tourments »

« Quand aux futures mamans, elles restaient enceintes .. et quand parfois par malheur un accouchement arrivait, ... » La voix se tut un instant, frissonante.

« Le conseils des sages consulta les étoiles, les dieux, tous les grimoires de la tribu, mais ne trouva rien … »

« Il fut alors décidé d’envoyer des expéditions à travers le monde, pour trouver une réponse, un remède et rallumer la Flamme. »

« Et c’est ainsi que les jeunes de la tribu la quittèrent, certains au Sud, certaines au Nord, d’autres à l’Est ou à l’Ouest, iels préparérent leur sac et partirent. » Une pause se fit dans le récit pendant que la tribu imaginait, imaginait les aventures qui avaient pu être vécues pendant cette quète.

« Et malheureusement, peu à peu, iels revinrent, le coeur brisé de n’avoir pu sauver la tribu »

Un murmure se faisait entendre à nouveau dans la foule attentive. Un prénom à peine articuler, le prénom que par respect on ne prononçait que le jour de la Renaissance.

« Et bientôt iels furent de retour, tous et toutes … Il y avait alors plus d’un an que la Flamme était éteinte. Les corps des morts continuaient à pourrir, leur âmes enfermées en haut, leur âmes dont l’horreur, la folie et la douleur se sentaient dans tout le village, faisant perdre peu à peu l’esprit aux vivants »

« Mais iels n’étaient pas tous revenus, elle n’était pas revenu ! » coupa un tout petit, en suçant son pouce. Un éclat de rire.

« Tu as raison mon petit. Elle n’était pas revenu. La plus jeune membre de la tribu à être partie en expédition. Mais connais-tu son prénom petit frippon ? » demanda gentiment la voix de l’histoire.

Le petit garçon tout fier, se leva, serra sa couverture. « Oui, elle s’appelle Eléonore »

« Oui, tu as parfaitement raison. Elle s’appelait Eléonore. Et elle nous a sauvé. Elle a sauvé la tribu. Et ce jour là, la Flamme se ralluma. Et les bébés purent à nouveau naître et les morts à nouveau mourir. Et depuis, tout les ans, nous fếtons la Rennaissance de la Flamme, la rennaissance de la Tribu. »

« Mais pourquoi est ce qu’elle n’est pas revenue ensuite ? » osa demander une petite fille assise sur les genoux de son père.

« Pourquoi ... nous ne le saurons jamais … Peut-être qu’elle est allée aider d’autres tribus, qui sait … »

Dernière mise à jour